Ne lisez pas ce livre.
Je vous aurais prévenu. J’aurais aimé qu’on me prévienne aussi. Peut-être qu’on l’a fait, mais je n’ai pas écouté. J’aurais pu refermer ce livre et continuer ma vie, mais j’ai préféré aller jusqu’au bout. Pourquoi ?
Peut-être parce que le suspens est trop, peut-être parce qu’on souffre autant que les personnages et qu’on se met à prier pour qu’ils s’en sortent. On veut pouvoir lire un dénouement heureux pour eux.
C’est le premier roman de Karine Giebel que je lis. Il est très très bien. Mais j’ai eu mal physiquement en le lisant. Je ne sais pas si je lirais d’autres livres de l’autrice.
Le résumé de Toutes blessent la dernière tue
Esclavage des temps modernes. Vie volée, souffrance, endurance, regrets, blessures, traumatismes, abus, violences. Le champ lexical de Toutes blessent, la dernière tue est assez atroce. Et les descriptions encore plus.
Tama est une jeune fille, arrachée à sa terre et forcée de faire des corvées trop exigeantes pour son âge. Réduite en esclavage et soumise à une violence inouïe, elle rêve d’une vie différente. Sa chance ? Elle a goûté un peu au savoir et cette quête de connaissance ne la lâche plus. Tama apprend donc à écrire, elle lutte pour ne pas sombrer sous les coups et dans la folie. Elle s’accroche aux livres, elle y met tous ses espoirs. Ils finiront par la sauver. Elle en est sûre.
Mais plus les pages défilent, et moins on s’accroche à cette éventualité. A un âge où elle doit juste s’inquiéter de ses cours, de ses amis et de ce qu’elle doit porter, Tama, connaît malgré elle plusieurs vies. Elle est bien trop jeune pour traverser toutes ces expériences douloureuses et dangereuses. Mais la vie a décidé de ne pas lui faire de cadeau sous la plume de Karine Giebel.
Trois points de vue qui entraînent dans la spirale de la douleur
Tama n’est pas seule dans Toutes blessent, la dernière tue. Elle est la principale protagoniste, mais son destin rencontre celui d’autres personnes encore plus ravagées qu’elle.
Tama raconte son histoire. On croit avoir tout vu, tout entendu. Puis on découvre Gabriel, un adulte tourmenté qui vit tout seul aux fonds des bois. Il n’y sort que pour accomplir une tâche précise : tuer. Mais pourquoi est ce qu’il tue avec autant de plaisir et de violence ?
Et finalement, on a Izri. Personnage secondaire au début, il devient une pièce maîtresse sous nos yeux. On le découvre peu à peu, on le comprend et on l’excuse. Sa vie est sombre, triste. Il n’aura de répit que lorsqu’il pourra la prendre en main. Et une fois que c’est fait, il va trop loin et le retour en arrière est presque impossible.
Pour nos trois personnages, on a aussi ce narrateur externe qui vient toujours rajouter son grain de sel. Il nous pousse à explorer les traumatismes les plus reculés de nos personnages. Et on est forcé de s’attacher à eux pour mieux ressentir les atrocités qu’ils vivent. C’est un supplice en pages.
Toutes blessent, la dernière tue
Cette phrase fera sens, je vous l’assure. Mais pas comme vous l’attendez. Véritable roman de cause à effets, c’est un tourbillon de questions sans réponses. On ne cherche pas à savoir qui a raison ni d’où la faute vient. On est juste spectateur de toute cette vague de violence, de mal qui entraîne tout le monde dans un chaos sans fin.
En lisant ce livre, chaque personnage a un visage, une silhouette, une voix. On passe tellement de temps avec eux, tant de mots les décrivent qu’on finit par les considérer comme étant de notre quotidien. Après des semaines, j’ai encore leurs visages en tête, je repense à eux, où qu’ils soient. C’est une écriture magistrale de Karine Giebel, même si elle fait mal. On a mal et on ne peut s’arrêter. Même si elle nous fait souffrir, elle sait aussi souffler sur la plaie pour nous faire croire à quelques secondes de bonheur au milieu de ce ravage.
Finalement, on a quand même une petite note d’espoir, une autre flamme qui veut survivre, après tout cet enfer.
C’est un roman très beau dans sa forme, et dans son fond il fait délicieusement mal.
Rétroliens/Pings